L’évaluation environnementale, un outil au service de la planification territoriale

Les documents d’urbanisme (scot, plu…) déterminent les conditions d’aménagement et d’utilisation des sols.
Ils constituent des outils puissants permettant de traduire les politiques d’aménagement sur les territoires.
L’évaluation environnementale de ces documents est une méthode robuste d’aide à la décision qui permet une meilleure intégration des enjeux environnementaux dans la planification, directement ou à travers les projets envisagés.
La Mission Régionale d’Autorité environnementale (MRAe) de la Nouvelle-Aquitaine émet régulièrement des avis sur les évaluations environnementales menées.
Cet article synthétise les principales recommandations effectuées dans le cadre de ses avis relatifs aux projets de PLU(i).
Les points de vigilance identifiés ont ainsi vocation à donner des clés favorisant une planification économe en matière de consommation des espaces, mettant en valeur les continuités et les fonctionnalités écologiques, préservant la ressource en eau et anticipant l’adaptation nécessaire au changement climatique.
Ils participent à l’atteinte des objectifs de protection de la santé humaine et de la qualité de vie et favorisent une meilleure acceptation du projet de développement par la population.

DE QUEL ENVIRONNEMENT PARLE-T-ON ? L’action en faveur de l’environnement désigne la préservation de la biodiversité (avec une attention particulière aux espèces et aux habitats naturels protégés, en particulier les zones humides), des ressources naturelles, de la qualité de l’eau et de l’air ou encore des paysages. Il s’agit également de prendre en compte les enjeux de santé humaine, les risques, ou encore le patrimoine culturel. L’environnement est un pilier majeur du cadre de vie, du bien-être des citoyens et de la lutte contre le dérèglement climatique.. |
QU’EST-CE QUE L’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE ? L’évaluation environnementale est un processus à intégrer à toutes les étapes du projet territorial. Il consiste tout d’abord en l’identification des enjeux appuyée sur un état initial, précis et documenté. Le projet territorial tient compte de ces enjeux et se construit ensuite de façon itérative afin que ses impacts négatifs soient minimisés, voire disparaissent. Il s’agit prioritairement d’éviter les secteurs à enjeux environnementaux importants, à défaut de réduire les impacts négatifs du projet puis, en dernier lieu, de compenser ceux qui subsisteraient (séquence Éviter - Réduire - Compenser dite « ERC »). |
POURQUOI ÉVITER – RÉDUIRE - COMPENSER (ERC) DÈS LA PLANIFICATION ? La prise en compte des enjeux environnementaux dès la planification permet la réalisation ultérieure des projets sur le territoire en réduisant les risques de blocages ou d’impossibilité. En différant la démarche ERC au stade de l’instruction des projets ou des demandes d’autorisations, les solutions s’avèrent plus complexes, plus coûteuses pour la collectivité et plus impactantes pour l’environnement, la santé humaine et le cadre de vie. |
LA MRAE NOUVELLE-AQUITAINE Pour tous les plans, programmes ou schémas (PLU, PLUi, SCoT…) soumis à évaluation environnementale, une « autorité environnementale » donne son avis sur la qualité de l’évaluation environnementale, ainsi que sur la prise en compte de l’environnement. Les missions régionales d’autorité environnementale (MRAe), dont la MRAe de Nouvelle-Aquitaine, émanent de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD). Elles émettent des avis indépendants et contribuent à un meilleur fonctionnement démocratique pour la préparation des autorisations environnementales et d’urbanisme. Les avis des MRAe sur les évaluations environnementales ne sont pas contraignants mais nécessitent une réponse du porteur de projet. Ils sont mis à la disposition du public lors de sa consultation. |

Un projet de territoire sobre en consommation d’espaces
Un constat
En France, sur la décennie précédente, 24 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers ont été consommés chaque année, soit au total la superficie du département du Rhône. C’est un risque pour la souveraineté alimentaire de la France mais aussi pour les services rendus par la nature (absorption de CO2, dépollution et régulation des eaux…).
Des questions
Comment atteindre l’objectif de réduction de la consommation d’espaces ? Comment mieux localiser le développement urbain et favoriser les mobilités douces ?
Les points de vigilance, recommandations de la MRAe
AXE 1 > L’organisation territoriale et les perspectives de développement
- La planification de production de logements privilégie les zones déjà urbanisées (en densifiant, en tenant compte de la vacance des logements, des opportunités de reconversion de bâtiments et de friches, des « dents creuses ») ;
- L’ouverture de nouvelles zones à urbaniser ne peut être envisagée qu’après avoir étudié les solutions de densification. L’extension de l’urbanisation cible les terres de moindre potentiel agricole ou de biodiversité ;
- La production de logements est prévue à l’échelle intercommunale s’il existe du potentiel de densification dans les communes à proximité ;
- Le projet d’armature territoriale identifie les potentiels secteurs de développement permettant de limiter les besoins de déplacement (proximité des services…). Les alternatives aux véhicules individuels sont recherchées et s’appuient sur un état des lieux des infrastructures disponibles et des flux pour chaque mode de déplacement.
- Le scénario de développement (projections d’accueil de population et de maintien de la population résidente, desserrement des ménages…) s’appuie sur des prévisions démographiques et conjoncturelles, en tenant compte des évolutions les plus récentes et de perspectives réalistes 1 ;
AXE 2 > Le développement économique et touristique
Un état des lieux précis des zones d’activités existantes (nombre, localisation, répartition, espaces aménagés non occupés, friches à réinvestir…), et une analyse de l’offre économique, à une échelle plus large que celle du périmètre du document d’urbanisme, permettent de dimensionner au plus juste les besoins d’extension ou de création. La complémentarité entre les territoires est recherchée.

La qualité de l’environnement comme atout du cadre de vie
Un constat
En France métropolitaine, 14 % des mammifères, 24 % des reptiles, 23 % des amphibiens et 32 % des oiseaux nicheurs et 19 % des poissons d’eau douce sont menacés de disparition du territoire.
Des questions
Quels sont les choix à adopter pour des incidences environnementales les plus réduites, compatibles avec le Code de l’environnement et le Code de l’urbanisme ?
Comment la prise en compte de l’environnement peut-elle amener à concevoir un projet perçu positivement par les habitants et qui soit soutenable et durable ?
Les points de vigilance, recommandations de la MRAe
AXE 1 > Les enjeux écologiques de la trame verte et bleue et des sites Natura 2000,
- La réalisation d’études spécifiques avant l’approbation du PLU(i) permet d’identifier d’éventuelles incidences notables sur les sites présentant des enjeux écologiques, dont les sites Natura 2000, et de les éviter (absence d’urbanisation de secteurs impactés) ou de les réduire selon les impacts potentiels ;
- Le document d’urbanisme traduit réglementairement les mesures d’évitement et de réduction des incidences. Il s’agit d’une garantie sur le long terme ;
- La préservation de la trame verte et bleue est à valoriser (espaces verts, arbres, haies, jardins) par un zonage ou des mesures réglementaires de protections spécifiques, y compris en milieu urbain (notamment pour ménager des îlots de fraîcheur) ;
- Une cartographie des édifices, des plantations et secteurs à enjeux révèle les éléments structurants du paysage et du patrimoine bâti à préserver.
AXE 2 > La recherche de sites de moindre impact pour l’environnement pour l’ouverture à l’urbanisation
- La localisation des réservoirs de biodiversité et des corridors écologiques permet de les exclure des futures ouvertures à l’urbanisation, en s’appuyant sur le SRADDET 2 ;
- Des inventaires sont réalisés pour la détermination et la cartographie des habitats naturels de chaque zone à urbaniser, ainsi que celle des secteurs et des milieux utilisés par les espèces (faune et flore) selon les saisons et leur cycle de vie. Les zones humides sont à recenser et à éviter ;
- L’analyse hiérarchisée des sensibilités et des fonctionnalités écologiques permet d’évaluer les incidences pour sélectionner les sites d’extension urbaine de moindre impact.

Un projet préservant la ressource en eau
Un constat
Soumises à des pressions anthropiques et climatiques croissantes, les ressources en eau de bonne qualité se raréfient. Surexploitation, sécheresse, pollution et eutrophisation 3 compliquent la gestion de l’eau. La ressource en eau (précipitations et cours d’eau) a baissé de 14 % en France métropolitaine, en moyenne annuelle, entre les périodes 1990-2001 et 2002-2018 4.
Des questions
La disponibilité de la ressource en eau répond-elle aux besoins du projet de territoire ? Les modalités envisagées de gestion de l’eau permettent-elles de préserver la qualité de la ressource ?
Les points de vigilance, recommandations de la MRAe
AXE 1 > La disponibilité de la ressource en eau potable comme préalable au développement
Le niveau de pression sur la ressource est évalué, compte tenu de l’état quantitatif des masses d’eau, des quantités prélevées et des besoins liés au projet de territoire (pour les habitants, les entreprises, l’agriculture et la nature), en intégrant les évolutions du climat.
AXE 2 > Des modalités rigoureuses de gestion des eaux usées
- Les infrastructures de collecte et de traitement des eaux usées répondent aux besoins (équipements collectifs et individuels). L’aptitude des sols à accepter l’assainissement individuel est vérifiée ;
- Les mesures programmées pour rendre conformes les équipements (et leurs réseaux) sont précisées, si nécessaire, avec un échéancier adapté au projet de développement.

La prise en compte du changement climatique et des risques
Un constat
Avec une température moyenne de 14,5 °C, l’année 2022 a été la plus chaude jamais connue en métropole depuis le début du 20e siècle. A l’horizon 2050, la hausse du niveau marin pourrait atteindre 22 à 37 cm selon les projections du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), et 45 à 82 cm, voire 1 m d’ici la fin du siècle.
Des questions
Comment le document d’urbanisme peut-il participer à l’atténuation du changement climatique et à l’adaptation du territoire ?
Comment favoriser la prise en compte par le projet des enjeux croissants relatifs à la santé humaine, à la sécurité et au cadre de vie ?
Les points de vigilance, recommandations de la MRAe
AXE 1 > La lutte contre le changement climatique
- Le projet de territoire est compatible avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de polluants de la stratégie nationale bas carbone (SNBC)1 ;
- Le PLU(i) traduit dans son règlement des actions en matière de consommation énergétique, d’émissions de gaz à effet de serre et de polluants, de qualité de l’air et de production d’énergies renouvelables, notamment si le territoire dispose d’un plan climat air énergie territorial (PCAET).
AXE 2 > La vulnérabilité et la résilience aux phénomènes extrêmes
L’ensemble des risques naturels est à envisager : inondation, sécheresse, submersion marine, incendies, mouvements de terrains, retrait et gonflement des argiles, tempêtes. Les impacts potentiels sur la population sont à évaluer pour choisir les secteurs d’urbanisation en fonction de ces risques (exemple : l’habitat dispersé rend plus difficile la réponse des secours).
AXE 3 > La lutte contre les îlots de chaleur et l’imperméabilisation des sols
Le PLU(i) permet :
- Le développement des espaces naturels et paysagers en milieu urbain ;
- La préservation d’espaces en pleine terre non imperméabilisés ;
- La planification de la dés-imperméabilisation de zones urbanisées ou la limitation de l’imperméabilisation des projets d’extension.
Télécharger la plaquette
1. La MRAe constate que de nombreux projets sur-évaluent fortement les augmentations de population à venir, par rapport aux évolutions constatées. Ceci conduit à estimer des besoins excessifs de consommations d’espaces.
2. SRADDET : schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires. Document accessible à l’adresse suivante : https://participez.nouvelle-aquitaine.fr/processes/SRADDET/f/182
3. L’eutrophisation est un phénomène naturel de pollution des écosystèmes aquatiques dû à la prolifération de certains végétaux, le plus souvent des algues, recevant en trop grande quantité les nutriments, tels le phosphore ou l’azote, nécessaires à leur développement.
4. Source : Portail public de l’information environnementale (Ministère de la Transition Écologique – Commissariat général au développement durable)
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